Part 6: Conference Sessions

October 14: 12:00-13:00 Session: Person / Personal / Character…

12:00-13:00 Personne/personnel/personnage : constructions fictionnelles et littéraires du moi / Person / personal / character: fictional and literary constructions of the self (I)

Présidence/Chair : Toby Erik Wikström (U. of Iceland)

Nelly Paquis (U. Aix-Marseille). « Héroïsation du médecin-voyageur dans L’Heureux esclave ou relations des aventures du sieur de la Martinière, comme il fut pris par les corsaires de Barbarie et délivré…(1674). »

Au XVIIe siècle, les récits de captifs en pays barbaresques sont pour la plupart rédigés, afin de récolter des fonds destinés au rachat des prisonniers. Pathétiques et apologétiques, ils mettent en scène des martyrs chrétiens en proie à des tortures quotidiennes. En 1674, Pierre-Martin de La Martinière, médecin philosophe, calquant son récit sur le modèle traditionnel de la captivité en Orient publie une relation de ses aventures viatiques méditerranéennes. Il s’agira pour nous de montrer comment l’écriture de la captivité permet à l’écrivain l’héroïsation de son moi dans sa narration rétrospective. Par un jeu subtil de comparaisons homériques érudites, il raconte son odyssée et fait de son personnage un héros à force d’exploits et de miracles médicaux. S’il n’a pas la force et la beauté des isotheoï, (1) il frappe d’admiration les femmes et s’attire le respect des hommes. Son corps n’est pas mis en avant comme Paris dans son combat contre Ménélas, mais le récit célèbre son intelligence, ses savoirs extraordinaires, ses aptitudes d’adaptation. On comprendra que cette présentation héroïque du moi correspond à un besoin d’être reconnu et de transcender les limites d’une vie banale de médecin français. Malgré les traits extraordinaires qu’il s’octroie, l’auteur de L’Heureux esclave ou relations des aventures du sieur de la Martinière, reste suffisamment proche pour que ses lecteurs se projettent dans ses aventures viatiques. Le captif est soumis par le hasard à l’expérience tragique commune sur terre et, soutenu par sa passion de vivre, de lire et de polémiquer, il s’humanise.

(1) Modèle de Dieux grecs.

Professeur agrégé du secondaire, enseignant en lycée depuis 25 ans, Nelly Paquis a repris ses études afin de faire une thèse en littérature des voyages du XVIIe siècle sous la direction de Sylvie Requemora. Son champ d’étude concerne les récits authentiques et les mémoires du XVIIe siècle. A partir d’une typologie des auteurs-voyageurs, elle s’intéresse à la question de la survie et aux stratégies mises en place par les écrivains de récits viatiques pour s’adapter et s’intégrer dans les contrées d’accueil en Orients et en Barbarie notamment.

Nicolas Garroté (U. Paris Est Créteil). « En lisant, en écrivant : le « fagotage » épistolaire de Mme de Sévigné. »

À tout moment, dans les Lettres, Mme de Sévigné associe les réalités de son univers à des éléments littéraires, faisant de son écriture une sorte de « fagotage » où personnes et  personnages s’intriquent, se mêlent et finissent par se confondre. Par un permanent baptême  littéraire, elle affuble les personnes de son entourage (ainsi qu’elle-même) de noms fictifs :  Dorimène, Andromaque, Mélusine, etc. Mais aussi, réciproquement, elle donne vie et présence à des personnages tirés de la fiction ou de l’histoire. On voit ainsi apparaître, comme s’il  s’agissait de parents ou d’amis, Céladon, Germanicus, Don Quichotte, saint Augustin, etc. À chaque nouveau courrier, le vrai s’intrique avec le feint, les créatures de papier avec  les êtres de chair ; la Correspondance devient ainsi un espace féerique et amphibie, un ailleurs  idyllique et flou qu’on pourrait qualifier, à la lumière des travaux de Michel Foucault, d’« hétérotopie». Ce « fagotage » épistolaire n’est ni un bovarysme stérile ni (seulement) un  cervantisme amusé. Il vise à faire des Lettres le lieu d’une réinvention de soi et d’une  authentique communication : un espace à part où les créatures de papier – les seules à pouvoir  tenir compagnie simultanément à Mme de Sévigné et à sa fille – viennent sans cesse murmurer  à cette dernière, comme le Christ à ses disciples : Ecce mater tua.

Agrégé de lettres modernes, auteur d’une thèse fraîchement soutenue sur Mme de Sévigné, Nicolas Garroté est actuellement ATER à l’Université Paris Est Créteil, où il enseigne la littérature française des XVIIe et XVIIIe siècles.

Samantha Carron (U. Calgary). « Le paradoxe de l’humilité dans la Correspondance (1626-1633) de Marie de l’Incarnation. »

Les nombreux écrits de Marie de l’Incarnation, née Marie Guyart, témoignent à la fois de la progression de l’Ordre des Ursulines dans la politique coloniale française et des possibilités d’engagement et d’action de Marie, tant dans l’éducation des jeunes filles autochtones et françaises que dans les affaires séculières de la colonie. Plus encore, c’est à travers la narration de ses expériences personnelles et spirituelles que Marie se représente telle une mystique et une missionnaire, et que l’écriture constitue pour elle l’expression de son agentivité. Cette présentation propose d’étudier les lettres, dix au total, que Marie envoie à son Directeur Spirituel, Dom Raymond de Saint Bernard, entre 1626 et 1633, bien avant son voyage vers la Nouvelle-France. Là, nous découvrons une rhétorique par laquelle Marie se représente humble afin de se prouver dévote et favorable pour l’entrée au couvent des Ursulines de Tours. Se construire l’identité d’un personnage humble dans ses lettres lui permet d’ouvrir une marge d’action pour sa personne physique. De ce fait, à la lumière des codes hagiographiques ainsi que des rapports genrés du XVIIe siècle, nous proposons d’analyser la représentation du soi dans l’écriture de Marie et nous démontrons qu’un paradoxe existe dans le champ sémantique religieux qui structure son discours ; l’humilité et l’effacement de soi dans les lettres sont en réalité le début du sujet et la création d’un potentiel agentif.

Samantha Carron est candidate au doctorat en dernière année à l’Université de Calgary. Elle est diplômée en études créatives de l’Université de la Colombie-Britannique (Okanagan) et a reçu sa maîtrise en littérature du XVIIe siècle (théâtre) à l’Université de Calgary. Elle travaille maintenant sur un projet doctoral qui explore la représentation de soi dans les écrits de Marie Guyart de l’Incarnation. Plus particulièrement, Samantha s’intéresse aux variations de la représentation de soi dans le discours de Marie et la manière dont l’évolution de l’humilité à l’action constitue l’expression d’un certain potentiel agentif.

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The Grand Siècle in Movement: Negotiations, Circulations, Dynamics Copyright © 2021 by Charlotte Trinquet du Lys and Anne Duprat is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivatives 4.0 International License, except where otherwise noted.

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