Part 1: Early Modern Race Theory Readings and Roundtable Sessions

[Modern Transcription] Notices de documents conservés dans diverses séries du fonds du secrétariat d’État à la Marine et aux Colonies (Archives nationales d’outre-mer)

Edit[1] du roi touchant la police des îles de l’Amérique Françoise[2]

[Download the PDF Version]

Louis, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre : à tous, présents et à venir, salut. Comme nous devons également nos soins à tous les peuples que la divine providence a mis sous notre obéissance, nous avons bien voulu faire examiner en notre présence les mémoires qui nous ont été envoyés par nos officiers de nos îles de l’Amérique, par lesquels ayant été informés du besoin qu’ils ont de notre autorité et de notre justice pour y maintenir la discipline de l’Eglise catholique, apostolique et romaine, pour y régler ce qui concerne l’état et la qualité des esclaves dans nos dites îles, et désirant y pourvoir et leur faire connaître qu’encore qu’ils habitent des climats infiniment éloignés de notre séjour ordinaire, nous leur sommes toujours présent, non seulement par l’étendue de notre puissance, mais encore par la promptitude de notre application à les secourir dans leurs nécessités.

A ces causes, de l’avis de notre Conseil,[3] et de notre certaine science, pleine puissance et autorité royale, nous avons dit, statué et ordonné, disons, statuons et ordonnons, voulons et nous plaît ce qui ensuit.

Art. 1. Voulons et entendons que l’Edit du feu Roi de glorieuse mémoire, notre très honoré seigneur et père, du 23 avril 1615, soit exécuté dans nos îles ; ce faisant, enjoignons à tous nos officiers de chasser, de nosdites îles, tous les juifs qui y ont établi leur résidence, auxquels, comme aux ennemis déclarés du nom chrétien, nous commandons d’en sortir dans trois mois, à compter du jour de la publication des présentes, à peine de confiscation de corps et de biens.[4]

Art. 2. Tous les esclaves, qui seront dans nos îles, seront baptisés et instruits dans la religion C. A. et R.[5]; enjoignons aux habitants qui achètent des nègres nouvellement arrivés, d’en avertir dans huitaine au plus tard, les gouverneurs et intendants des dites îles, à peine d’amende arbitraire, lesquels donneront les ordres nécessaires pour les faire inscrire, et baptiser dans le temps convenable.[6]

Art. 3. Interdisons tout exercice public, d’autre religion que celui de la religion C. A. et R., ; voulons que les contrevenants soient punis comme rebelles , et désobéissants à nos commandements ; défendons toutes assemblées pour cet effet, lesquelles nous déclarons conventicules, illicites, séditieuses, sujettes à la même peine, qui aura lieu même contre les maîtres qui les permettront, ou souffriront à l’égard de leurs esclaves.

Art. 4. Ne seront préposés aucuns commandeurs[7] à la direction des nègres, qu’ils fassent profession de la religion C. A. et R., à peine de confiscation desdits nègres, contre les maîtres qui les auront préposés, et de punition arbitraire contre les commandeurs qui auront accepté ladite direction.

Art. 5. Défendons à nos sujets de la religion P. R.[8] , d’apporter aucun trouble ni empêchements à nos sujets, même à leurs esclaves, dans le libre exercice de la religion C. A. et R. à peine de punition exemplaire.

Art. 6. Enjoignons à tous nos sujets de quelque qualité et conditions qu’ils soient, d’observer les jours de dimanche et fêtes, qui sont gardés par nos sujets de la religion C. A. et R; leur défendons de travailler, ni de faire travailler leurs esclaves auxdits jours, depuis l’heure de minuit jusqu’à l’autre minuit, à la culture de la terre, à la manufacture des sucres, et à tous autres ouvrages, à peine d’amendes et de punition arbitraire, contre les maîtres, et les confiscations tant des sucres, que des esclaves qui seront surpris, par nos officiers, dans le travail.

Art. 7. Leur défendons pareillement de tenir le marché des nègres et de toutes autres marchandises, lesdits jours, sur pareilles peines de confiscations des marchandises qui se trouveront alors au marché, et d’amende arbitraire contre les marchands.

Art. 8. Déclarons nos sujets, qui ne sont pas de la religion C. A. et R, incapables de contracter à l’avenir aucuns mariages valables ; déclarons bâtards les enfants qui naîtront de telles conjonctions, que nous voulons être tenues et réputées, tenons et réputons pour vrais concubinages.

Art. 9. Les hommes libres, qui auront un ou plusieurs enfants de leurs concubinages avec leurs esclaves, ensemble les maîtres qui les auront soufferts, seront, chacun, condamnés en une amende de 2000 livres de sucre[9]; et s’ils sont les maîtres de l’esclave de laquelle ils auront eu lesdits enfants, voulons, outre l’amende, qu’ils soient privés de l’esclave et des enfants ; et qu’elle et eux soient confisquées au profit de l’hôpital,[10] sans jamais pouvoir être affranchis ; n’entendons, toutefois, le présent article, avoir lieu, lorsque l’homme libre, qui n’était point marié à une autre personne durant son concubinage avec son esclave, épousera, dans les formes observées par l’Eglise, ladite esclave, qui sera affranchie par ce moyen, et les enfants rendus libres, et légitimes.

Art. 10. Les solennités prescrites par l’ordonnance de Blois , articles XL, XLI, XLII, & par la déclaration du mois de novembre 1629,[11] pour les mariages, seront exécutées, tant à l’égard des personnes libres, que des esclaves, sans néanmoins que le consentement du père et de la mère de l’esclave y soit nécessaire, mais celui du maître seulement.

Art. 11. Défendons très expressément, aux curés, de procéder aux mariages des esclaves, s’ils ne font apparoir du consentement de leurs maîtres ; défendons aussi, aux maîtres, d’user d’aucune contrainte sur leurs esclaves pour les marier contre leur gré.

Art. 12. Les enfants, qui naîtront des mariages entre les esclaves, seront esclaves, et appartiendront aux maîtres des femmes esclaves, et non à ceux de leurs maris, si le mari et la femme ont des maîtres différents.[12]

Art. 13. Voulons que si le mari esclave a épousé une femme libre, les enfants tant mâles que filles, soient de la condition de leur mère, et soient libres comme elle, nonobstant la servitude de leur père ; et que si le père est libre et la mère esclave, les enfants soient esclaves pareillement.

Art. 14. Les maîtres seront tenus de faire enterrer en terre sainte, et dans les cimetières destinés à cet effet, leurs esclaves baptisés ; et à l’égard de ceux qui mourront sans avoir reçu le baptême, ils seront enterrés de nuit, dans quelque champ voisin du lieu où ils seront décédés.

Art. 15. Défendons aux esclaves de porter aucune armes offensives, ni de gros bâtons, à peine de fouet, et de confiscation des armes au profit de celui qui les en trouvera saisis ; à l’exception seulement de ceux qui seront envoyés à la chasse par leurs maîtres, et qui seront porteurs de leurs billets, ou marques connues.

Art. 16. Défendons pareillement aux esclaves appartenant à différents maîtres, de s’attrouper[13] le jour ou la nuit, sous prétexte de noces ou autrement, soit chez l’un de leurs maîtres, ou ailleurs, et encore moins dans les grands chemins, ou lieux écartés, à peine de punitions corporelles, qui ne pourra être moindre que du fouet, et de la fleur de lys ; et en cas de fréquentes récidives, et autres circonstances aggravantes, pourront être punis de mort : ce que nous laissons à l’arbitrage des juges : enjoignons à tous nos sujets de courir sus aux contrevenants, de les arrêter, et de les conduire en prison, bien qu’ils ne soient point officiers, et qu’il n’y ait contre eux aucun décret.

Art. 17. Les maîtres qui seront convaincus d’avoir permis ou toléré telles assemblées, composées d’autres esclaves que de ceux qui leurs appartiennent, seront condamnés, en leurs propres et privés noms, de réparer tout le dommage qui aura été fait à leurs voisins, à l’occasion desdites assemblées, et en dix livres[14] d’amende pour la première fois, et au double, en cas de récidive.

Art. 18. Défendons aux esclaves de vendre des cannes à sucre, pour quelque cause, et occasion que ce soit, même avec la permission de leurs maîtres ; à peine du fouet contre les esclaves, de 10 livres tournois contre le maître qui l’aura permis, et de pareille amende contre l’acheteur.

Art. 19. Leurs défendons aussi d’exposer en vente au marché, ni de porter dans les maisons particulières, pour vendre, aucune sorte de denrées, même des fruits, légumes, herbes pour la nourriture des bestiaux et leurs manufactures, sans permission expresse de leurs maîtres, par un billet ou marques connues ; à peine de revendication des choses ainsi vendues, sans restitution du prix par les maîtres, et de 6 livres tournois d’amende à leur profit, contre les acheteurs.

Art. 20. Voulons, à cet effet que deux personnes soient préposées par nos Officiers, dans chacun marché, pour examiner les denrées et marchandises qui y sont portées par les esclaves, ensemble les billets et marques de leurs Maîtres, dont ils seront porteurs.

Art. 21. Permettons, à tous nos sujets[15] et habitants des îles, de se saisir de toutes les choses dont ils trouveront les esclaves chargés, lorsqu’ils n’auront point de billets de leurs maîtres, ni des marques connues, pour être rendues incessamment à leurs maîtres, si leur habitation[16] est voisine du lieu où les esclaves auront été surpris en délit ; sinon, elles seront incessamment envoyées à l’hôpital, pour y être déposées, jusqu’à ce que les maîtres en aient été avertis.

Art. 22. Seront tenus les maîtres, de faire fournir, par chacune semaine, à leurs esclaves âgés de dix ans, et au dessus, pour leur nourriture, deux pots et demi mesure de Paris, de farine de manioc, ou trois cassaves[17] pesant chacune deux livres et demie, au moins, ou autre chose à proportion ; et aux enfants depuis qu’ils sont sevrés, jusqu’à l’âge de dix ans, la moitié des vivres ci-dessus.[18]

Art. 23. Leur défendons de donner aux esclaves de l’eau de vie de cannes, ou guildive,[19] pour tenir lieu de la substance mentionnée en l’article précédent.

Art. 24. Leur défendons pareillement de se décharger de la nourriture et subsistance de leurs esclaves, en leur permettant de travailler certains jours de la semaine, pour leur compte particulier.

Art. 25. Seront tenus les maîtres de fournir, à chaque esclave, par chacun an, deux habits de toile, ou quatre aunes de toile, au gré desdits maîtres.[20]

Art. 26. Les esclaves qui ne seront point nourris, vêtus et entretenus par leurs maîtres, selon que nous l’avons ordonné par les présentes, pourront en donner avis à notre procureur, et mettre leurs mémoires entre les mains, sur lesquelles, et même d’office, si les avis lui viennent d’ailleurs, les maîtres seront poursuivis à sa requête, et sans frais ; ce que nous voulons être observé, pour les crimes et traitements barbares et inhumains des maîtres, envers leurs esclaves.[21]

Art. 27. Les esclaves infirmes par vieillesse, maladie ou autrement, soit que la maladie soit incurable, ou non, seront nourris et entretenus par leurs maîtres ; et en cas qu’ils les eussent abandonnés, les dits esclaves seront adjugés à l’hôpital, auquel les maîtres seront condamnés de payer 10 sols, par jour, pour la nourriture et l’entretien de chacun esclave.

Art. 28. Déclarons les esclaves ne pouvoir rien avoir qui ne soit à leurs maîtres, et tout ce qui leur vient par industrie, ou par la libéralité d’autres personnes, ou autrement, à quelque titre que ce soit, être acquis, en pleine propriété, à leurs maîtres ; sans que les enfants des esclaves, leurs pères et mères, leurs parents ou tous autres, y puissent rien prétendre, par succession, disposition entre vifs, ou à cause de mort ; lesquelles dispositions déclarons nulles, ensemble toutes les promesses, et obligations qu’ils auront faites, comme étant faites par gens incapables de disposer, et contracter de leur chef.

Art. 29. Voulons néanmoins que les maîtres soient tenus de ce que leurs esclaves auront fait pour le commandement, ensemble ce qu’ils auront géré et négocié dans leurs boutiques, et pour l’espèce particulière de commerce à laquelle leurs maîtres les auront préposés, et en cas que leurs maîtres ne leurs aient donné aucun ordre, et ne les aient point préposés, ils seront tenus seulement jusque, et à concurrence de ce qui aura tourné à leurs profits ; et si rien n’a tourné au profit des maîtres, le pécule desdits esclaves, que leurs maîtres leur auront permis d’avoir, en sera tenu, après que leurs maîtres en auront déduit, par préférence, ce qui pourra leur en être dû, sinon que le pécule consistât, en tout, ou en partie, en marchandises dont les esclaves auraient permission de faire trafic à part, sur lesquelles leurs maîtres viendront, seulement, par contribution au sol la livre, avec les autres créanciers.

Art. 30. Ne pourrons les esclaves, être pourvus d’offices, ni de commission ayant quelque fonction publique ; ni être constitués agents par autres que leurs maîtres, pour gérer ou administrer aucun négoce, ni être arbitres, experts ou témoins, tant en matière civile que criminelle ; et en cas qu’ils soient ouïs en témoignage, leur déposition ne servira que de mémoire, pour aider les juges à s’éclaircir d’ailleurs, sans qu’on en puisse tirer aucune présomption, conjoncture, ni adminicule de preuve.

Art. 31. Ne pourront aussi les esclaves être parties, ni être[22] en jugement en matière civile, tant en demandant, qu’en défendant ; ni être parties civiles dans les affaires criminelles ; sauf à leurs maîtres d’agir et défendre, en matière civile, et de poursuivre, en matière criminelle, la réparation des outrages et excès qui auront été commis contre leurs esclaves.

Art. 32. Pourront les esclaves être poursuivis criminellement, sans qu’il soit besoin de rendre leurs maîtres parties, (sinon) en cas de complicité ; et seront les esclaves acculés, jugés en première instance par les juges ordinaires, et par appel au Conseil souverain, sur la même instruction, et avec les mêmes formalités, que les personnes libres.

Art. 33. L’esclave qui aura frappé son maître, ou la femme de son maître, sa maîtresse, ou le mari de sa maîtresse, ou leurs enfants, avec contusion, ou effusion de sang, sera puni de mort

Art. 34. Et quant aux excès de voies de fait, qui seront commis par les esclaves contre des personnes libres ; voulons qu’ils soient sévèrement punis, même de mort s’il y échet.[23]

Art. 35. Les vols qualifiés, même ceux de chevaux, cavales, mulets, bœufs ou vaches, qui auront été faits par les esclaves ou par les affranchis, seront punis de peines afflictives, même de mort si le cas le requiert.

Art. 36. Les vols de moutons, chevres (sic), cochons, volailles, cannes à sucre, pois, mil, maignoe (sic),[24] ou autres légumes faits par les esclaves seront punis selon la qualité du vol, par les Juges qui pourront, s’il y échet, les condamner d’être battus de verges par l’exécuteur de la Haute justice,[25] et marqués d’une fleur de lys.

Art. 37. Seront tenus, les maîtres, en cas de vol, ou d’autre dommage causé par leurs esclaves, outre la peine corporelle des esclaves, de réparer le tort en leur nom, s’ils n’aiment mieux abandonner l’esclave à celui auquel le tort aura été fait ; ce qu’ils seront tenus d’opter dans trois jours, à compter de celui de la condamnation, autrement ils en seront déchus.

Art. 38. L’esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois, à compter du jour que son maître l’aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées, et sera marqué d’une fleur de lys sur une épaule ; s’il récidive, un autre mois, à compter pareillement du jour de la dénonciation, il aura le jarret coupé, et il sera marqué d’une fleur de lys, sur l’autre épaule ; et la troisième fois, il sera puni de mort.[26]

Art. 39. Les affranchis, qui auront donné retraite, de leurs maisons, aux esclaves fugitifs, seront condamnés par corps, envers les maîtres, en l’amende de 3000 livres de sucre, par chaque jour de rétention ; et les autres personnes libres, qui leur auront donné une pareille retraite, en dix livres tournois d’amende, par chacun jour de rétention.

Art. 40. L’esclave, puni de mort sur la dénonciation de son maître, non complice du crime pour lequel il aura été condamné, sera estimé, devant l’exécution, par deux des principaux habitants[27] de l’île qui seront nommés d’office par je juge ; et le prix de l’estimation en sera payé au maître; et pour à quoi satisfaire, il sera imposé par l’intendant, sur chacune tête des nègres payant droits, la somme portée par l’estimation, laquelle sera régalée sur chacun des nègres, et levée par le fermier[28] du Domaine royal[29] d’Occident pour éviter à frais.

Art. 41. Défendons aux juges, à nos procureurs et greffiers, de prendre aucune taxe dans les procès criminels contre les esclaves, à peine de concussion.

Art. 42. Pourront seulement les maîtres, lorsqu’ils croiront que leurs esclaves l’auront mérité, les faire enchaîner, et leurs faire battre de verges ou cordes ; leur défendons de leur donner la torture, ni de leur faire aucune mutilation de membres, à peine de confiscation des esclaves, et d’être procédé contre les maîtres, extraordinairement.[30]

Art. 43. Enjoignons à nos officiers de poursuivre criminellement les maîtres, ou commandeurs, qui auront tué un esclave étant sous leur puissance, ou sous leur direction ; et de punir le meurtre suivant l’atrocité des circonstances ; et en cas qu’il ait eu à l’absolution, permettons à nos officiers de renvoyer tant les maîtres que les commandeurs absous, sans qu’ils aient besoin d’obtenir de nous lettres de grâce.

Art. 44. Déclarons les esclaves être meubles, et comme tels, entrer dans la communauté ; n’avoir point de fuite par hypothèque ; se partager également entre les cohéritiers, sans préciput et droit d’aînesse ; n’être sujet au douaire coutumier, au retrait féodal et lignager, aux seigneuriaux et féodaux, aux formalités des décrets, ni au retranchement des quatre quints en cas de disposition, à cause de mort, et testamentaire.

Art . 45. N’entendons, toutefois, priver nos sujets de la faculté de les stipuler propres à leurs personnes, et aux leurs de leur côté, et ligne, ainsi qu’il se pratique pour les sommes de deniers, et autres choses mobilières.

Art. 46. Seront, dans les saisies des esclaves, observées les formes prescrites par nos ordonnances, et les coutumes, par les saisies nobiliaires : voulons que les deniers en provenant soient distribués par ordre des saisies, ou, en cas de déconfiture, au sol la livre, après que les dettes privilégiées auront été payées et généralement, que la condition des esclaves soit réglée, en toutes affaires, comme celle des autres choses mobilières, aux exceptions suivantes.

Art. 47. Ne pourront être saisis et venus séparément, le mari et la femme, et leurs enfants impubères,[31] s’ils sont sous la puissance d’un même maître : déclarons nulles les saisies et ventes qui en seront faites ; ce que nous voulons avoir lieu dans les aliénations volontaires : sous peine contre ceux qui feraient les aliénations d’être privés de celui, ou de ceux qu’ils auront gardés, qui seront adjugés aux acquéreurs, sans qu’ils soient tenus de faire aucun supplément de prix.

Art. 48. Ne pourrons aussi les esclaves, travaillant actuellement dans les sucreries, indigoteries, et habitations, âgés de quatorze ans, et au dessus jusqu’à seize ans, être saisis pour dettes ; sinon pour ce qui sera dû du prix de leur achat ; ou que la sucrerie, indigoterie , ou habitation, dans laquelle ils travaillent, soit saisie réellement ; défendons, à peine de nullité, de procéder par saisie réelle, et adjudication, par décret, sur les sucreries, indigoteries, et habitations, sans y comprendre les nègres de l’âge susdit, y travaillant actuellement.

Art. 49. Le fermier judiciaire des sucreries, indigoteries, ou habitations, saisies réellement, conjointement avec les esclaves, seront tenu de payer le prix entier de son bail, sans qu’il puisse compter, parmi les fruits qu’il perçoit, les enfants qui seront nés des esclaves, pendant son bail.

Art. 50. Voulons, nonobstant, toutes conventions contraires, que nous déclarons nulles, que les dits enfants appartiennent à la partie saisie, si les créanciers sont satisfaits d’ailleurs, ou à l’adjudicataire, s’il intervient un décret ; et à cet effet, il sera fait mention, dans la dernière affiche, avant l’interposition du décret, desdits enfants nés des esclaves, depuis la saisie réelle dans laquelle ils étaient compris.

Art. 51. Voulons, pour éviter aux frais, et aux longueurs des procédures, que la distribution du prix entier de l’adjudication conjointe des fonds, et des esclaves, et ce qui proviendra du prix des baux judiciaires, soit faite entre les créanciers, ou suivant l’ordre de leurs hypothèques, et privilèges, sans distinguer ce qui est pour le prix des esclaves.

Art. 52. Et néanmoins, les droits féodaux, et seigneuriaux, ne seront payés, qu’à proportion du prix des fonds.

Art. 53. Ne seront reçus les lignagers, et les seigneurs féodaux, à retirer les fonds décrétés, s’ils ne retirent les esclaves vendus conjointement avec les fonds ; ni l’adjudicataire à retirer les esclaves, sans le fonds.

Art. 54. Enjoignons aux gardiens, nobles, et bourgeois usufruitiers, amodiateurs, et autres jouissants des fonds auxquels sont attachés des esclaves qui travaillent, de gouverner lesdits esclaves comme bons pères de famille ; sans qu’ils soient tenus, après leur administration finie, de rendre le prix de ceux qui seront décédés ou diminués par maladie, vieillesse, ou autrement, sans leur faute ; et sans qu’ils puissent aussi retenir comme fruits à leur profit, les enfants nés desdits esclaves, durant leur administration, lesquels nous voulons être conservés, et rendus à ceux qui en sont les maîtres, et les propriétaires.

Art. 55. Les maîtres, âgés de vingt ans, pourront affranchir leurs esclaves, par tout acte entre vifs, ou à cause de mort, sans qu’ils soient tenus de rendre raison de l’affranchissement, ni qu’ils ayant besoin d’avis de parents, encore qu’ils soient mineurs de vingt cinq ans.

Art. 56. Les esclaves, qui auront été faits légataires universels, par leurs maîtres, ou nommés exécuteurs testamentaires, ou tuteurs de leurs enfants, seront tenus et réputés, les tenons et réputons, pour affranchis.

Art. 57. Déclarons les affranchissements, faits dans nos îles, leur tenir lieu de naissance dans nos îles ; et les esclaves affranchis n’avoir besoin de nos lettres de naturalité, pour jouir de l’avantage de nos sujets naturels de notre royaume, terres et pays de notre obéissance, encore qu’ils soient nés dans les pays étrangers.[32]

Art. 58. Commandons, aux affranchis, de porter un respect régulier à leurs anciens maîtres, à leurs veuves, et à leurs enfants, en sorte que l’injure, qu’il leur auront faite, soit punie plus grièvement, que si elle était faite à une autre personne : les déclarations, toutefois, francs, et quittes envers eux, de toutes autres charges, services, et droits utiles que leurs anciens maîtres voudraient prétendre, tant sur leurs personnes, que sur leurs biens, et successions, en qualité de patron.[33]

Art. 59. Octroyons, aux affranchis, les mêmes droits, privilèges, et immunités dont jouissent les personnes nées libres ; voulons que le mérite d’une liberté acquise produise, en eux, tant pour leur personne, que pour leurs biens, les mêmes effets que le bonheur de la liberté naturelle causé à nos autres sujets.

Art. 60. Déclarons les confiscations et les amendes, qui n’ont point de destination particulière, par ces présentes, nous appartenir, pour être payées à ceux qui sont préposés à la recette de nos droits, et de nos revenus : voulons, néanmoins, que distraction soit faîte du tiers des dites confiscations, et amendes, au profit de l’hôpital établi dans l’île, où elles auront été adjugées.

Si donnons en mandement à nos amés et féaux les Gens tenant notre Conseil souverain[34] établi à la Martinique, Gade-Loupe,[35] Saint-Christophe,[36] que ces présentes ils aient à faire lire, publier et enregistrer, et le contenu en elles garder et observer de point en point selon leur forme et teneur, sans contrevenir ni permettre qu’il y soit contrevenu en quelque sorte et manière que ce soit, nonobstant tous édits, déclarations, arrêts et usages, auxquels nous avons dérogé et dérogeons par ces dites présentes. Car tel est notre bon plaisir ; et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous y avons fait mettre notre scel.[37] Donné à Versailles au mois de mars mil six cent quatre-vingt-cinq, et de notre règne le quarante deuxième.

Louis.[38]
le Roi,

Colbert.[39] Le Tellier.[40]


  1. Ordonnance ou édit. Texte de loi établi sous la direction du roi et enregistré par une cour de justice appelée « Parlement », chargée de rendre la justice en appel au nom du Roi.
  2. L’Amérique française comprend en 1685 : la Louisiane, la Nouvelle-France (Québec et Acadie), la Guadeloupe (en incluant les Saintes, Marie-Galante, et la Désirade), la Martinique, la Guyane, Sainte-Croix (devenues plus tard Antilles danoises puis Iles vierges étasuniennes actuelles), la partie septentrionale de l’île de Saint-Martin, la partie occidentale de l’île de Saint-Domingue (Haïti) et l’île de Saint-Barthélémy.
  3. Conseil. L’un des quatre conseils qui aident le roi : conseil d’En-Haut (politique générale), conseil des Finances, conseil des Dépêches (correspondance avec les provinces), conseil des Parties (justice). En l’absence du Roi, la formule utilisée est « le Roi, en son Conseil »
  4. Juifs : pour cette question, consulter Gérard Lafleur, "Les juifs aux Iles françaises du Vent (XVIIe-XVIIIe siècles",
  5. C. A. et R. : Catholique, Apostolique et Romaine.
  6. Ces mesures ne sont pas suivies. Les esclaves sont peu christianisés.
  7. Commandeur ou géreur : sorte de contremaître des esclaves
  8. Religion Prétendue Réformée ou RPR : la même année, l’Edit de Fontainebleau (1685) révoque l’Edit de Nantes (1598) ou « Edit de tolérance », signé par Henri IV, grand-père de Louis XIV. Dans les colonies, il existe une certaine tolérance vis à vis des protestants, moyennant une abjuration simulée cf. Gérard Lafleur, Les protestants aux îles françaises du Vent sous l’Ancien Régime, Société d’Histoire de la Guadeloupe, Basse-Terre, 1987, 308 p.
  9. Amende payable en nature : cet élément rappelle la rareté du numéraire aux îles. C’est cette même rareté qui motive en 1848, le principe de payer une indemnité aux anciens maîtres, qui outre le dédommagement de ce que la loi a jusque là accepté, doit fournir la trésorerie nécessaire au passage de l’esclavage au salariat.
  10. Hôpital : le règne de Louis XIV est celui du « grand renfermement ». Les pauvres et autres « gens sans aveu », sans feu ni lieu, considérés au Moyen-Age comme étant à l’image du Christ, sont désormais enfermés dans des lieux appelés « hôpitaux ». En 1786, on prescrit la création d’hôpitaux sur les habitations. Ceux-ci restent rares cf. Josette Faloppe, Esclaves et citoyens, Les Noirs à la Guadeloupe au XIXe (1802-1910), Basse-terre, Société d’Histoire de la Guadeloupe, 1992
  11. Déclaration de 1539 : par l’édit (ou ordonnance) de Villers-Cotterêts, François 1er réorganise la justice, qui inclut officiellement la question ou torture, et ordonne qu’on rédige en français les actes officiels. Il ordonne également aux curés de tenir des registres des baptêmes dans leurs paroisses respectives. Beaucoup d’ouvrages ou de sites internet, utilisant une mauvaise source du XIXe ont reproduit une erreur de datation d’un siècle à propos de cette ordonnance car ils ont coupé et tronqué cette phrase. Quelques années plus tard, lors de la Contre-Réforme catholique, le concile de Trente (1543-1563) prescrit la tenue de registres de catholicité enregistrant mariages et baptêmes. Henri III renouvelle cette obligation par l’Ordonnance de Blois (1579) qui ajoute aux baptêmes, l’enregistrement des mariages et des sépultures et celle de Saint-Germain-en-Laye, qui ordonne la tenue des registres en double minute. Il faut attendre Louis XIV et l’ordonnance de 1667 pour que les curés s’exécutent plus sérieusement. Ce n’est que sous Louis XV et à partir d’une déclaration de 1736, que l’enregistrement des sépultures est vraiment effectué.
  12. Mais le mariage des esclaves reste suffisamment rare dans les îles pour que l’emploi du mot mari paraisse étrange, associé à esclave.
  13. Jusqu’au XIXe siècle, la peur des révoltes explique que les attroupements restent interdits en dehors des habitations cf. carnaval
  14. La livre tournois est une unité de compte. Une livre équivaut à vingt sous. Un sou ou sol vaut 12 deniers. Le système date de Charlemagne (VIIIe-IXe). Les Normands l’ont amené en Angleterre avec les livres, shillings et pennies (XIe).
  15. On donne donc pouvoir de police à tout passant.
  16. Habitation : plantation
  17. Une cassave est une galette de manioc très nourrissante. La technique et le mot sont caraïbes.
  18. L’ordinaire est à base de manioc et de farine de morue. La ration prescrite ici correspond à environ 2150 à 2300 calories par jours cf. Christian, Schnakenbourg, Histoire de l’industrie sucrière en Guadeloupe (XIXe-Xxe siècles). T. 1 : La crise du système esclavagiste (1835-1847), L’Harmattan, 1980, p. 54 et Josette, Faloppe, Les noirs à la Guadeloupe au XIXe siècle (1802-1910), Basse-Terre, 1992, p. 107. Le complément vient du travail de l’esclave dans son propre jardin : giraumons, ignames, malangas, madères, etc. : se reporter à l’art. 24 qui interdit cette pratique. Le Samedi-Nègre finit par être autorisé en 1786. Il permet de travailler au jardin.
  19. Rhum : l’expression « rhum », venue de l’anglais, ne semble apparaître qu’au XVIIIe.
  20. Au XVIIe comme au XIXe, les esclaves vont nus jusque vers 14 ou 15 ans cf. J. Faloppe, op. cit., qui cite les témoignages de l’abbé Dugoujon, visitant les Antilles. C’est une cause de maladie et de mortalité. Cela est à rapprocher du témoignage de l’ancien esclave américain Frederick Douglas, Frederick Douglass, Narrative of the life of Frederick Douglass, an American slave, 1845, Penguin Books, 1982 ; même constat pour les Antilles britanniques, cf. James Walwin, Black Ivory, History of British Slavery, London, Harper Collins, 1992, p. 125.
  21. Inutile de souligner combien cet article n’est pas respecté, tout comme les articles 24 et 25.
  22. Sic : il manque probablement un mot.
  23. Echoit
  24. Colbert a sans doute recopié le mot « manioc » sans trop savoir de qui il s’agit.
  25. Exécuteur de la haute justice ou exécuteur des hautes-œuvres : bourreau
  26. Pour analyser cette article convenablement, il faut le comparer aux autres peines appliquées en France aux XVIIe et XVIIIe et en évaluer l’ampleur par rapport aux mutilations des esclaves : galériens, camisards, etc. Ces peines disparaissent ensuite alors que la mutilation se maintient dans le système esclavagiste .
  27. Habitant : planteur qui est à la tête d’une habitation
  28. Fermier : Personne chargée de percevoir des revenus pour le compte du Trésor Royal.
  29. Domaine royal : depuis le Moyen-Age, ensemble des terres appartenant au roi et pour lesquelles il n’a aucun vassal intermédiaire. En 1674, Colbert rattache les îles des Amériques à l’Etat.
  30. L’impunité des maîtres prévaut dans la réalité.
  31. On sait que cet article n’est pas non plus respecté. On vend des enfants de 6 ans.
  32. Les « garanties » des articles 55 à 57 sont en réalité assez faibles et ne cesseront d’être affaiblies par les textes législatifs de la fin du XVIIIe.
  33. L’affranchi n’est donc pas l’égal des autres personnes libres malgré l’art. 59. En France, le roturier (c’est à dire l’ig- noble) doit respect au noble. Aux Antilles, la blancheur de la peau tend à tenir lieu de noblesse dans les rapports entre blancs et gens de couleur même si un petit blanc ne peut prétendre à la même considération qu’un habitant.
  34. Conseil souverain : assemblée locale de chaque colonie. De même que les parlements de la métropole, cette assemblée doit enregistrer les édits royaux cf. Auguste Lacour, Histoire de la Guadeloupe, Tome I (1635-1789), Basse-Terre, 1855, p. 178. L’Edit de mars 1685 est enregistré par le Conseil Souverain de Saint-Domingue le 6 mai 1687.
  35. On disait également Gardeloupe, l’origine espagnole Guadalupe, venant elle même de l’arabe « Oued-el-Aoub » (rivière de l’amour) était alors mal comprise.
  36. Actuelle île anglophone de Saint-Kitts, colonisée en 1625 par les Français, 10 ans avant la Guadeloupe.
  37. Sceau
  38. Louis XIV règne de 1643 à 1715 et gouverne de 1661 à 1715.
  39. Secrétaire d’Etat à la Marine, Jean-Baptiste Colbert (1619-1683) décide en 1681 de rédiger un code de lois concernant l’esclavage. Ce Code Noir paraît deux ans après sa mort (1683), signé par Jean-Baptiste Colbert marquis de Seignelay, son fils, qui lui succède au Secrétariat d’Etat à la Marine. Le Code est inspiré du mémoire de l’intendant Patoulet (1682) et de celui du gouverneur Blénac. Le premier représentait la tendance la plus sévère.
  40. Il s’agit de Michel Le Tellier (1603-1685), beau-frère du grand-père de Colbert, chancelier et membre du Conseil du Roi, ancien secrétaire d’Etat à la Marine. Il meurt la même année, après la préparation de l’Edit de Fontainebleau (1685) qui révoque celui de Nantes (1598). Il peut également s’agir de son fils François Michel Le Tellier (1641-1691) marquis de Louvois, au Conseil depuis 1672, alors associé aux décisions importantes.

License

Icon for the Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivatives 4.0 International License

The Grand Siècle in Movement: Negotiations, Circulations, Dynamics Copyright © 2021 by Charlotte Trinquet du Lys and Anne Duprat is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivatives 4.0 International License, except where otherwise noted.

Share This Book