Part 6: Conference Sessions
October 14: 9:45-10:30 Session: Interpersonal and Political Violence…
9:45-10:30 Violence interpersonnelle et violence politique dans la France d’Ancien Régime / Interpersonal and political violence in Ancien Régime France (I)
Présidence / Chair : Stella Spriet (U. of Saskatchewan)
Pierre Lyraud (Sorbonne U). « Violences scarroniennes : haine et littérature dans quelques vers de Scarron.”
On sait le pouvoir créateur de la violence et de sa détestation : d’Aubigné, dans le contexte des guerres de religion, en a donné un bel exemple. Apparemment moins furieux, le XVIIe siècle en connaît aussi la puissance. Marie-Madeleine Fragonard a souligné combien la mort de Concino Concini, en 1617, a déterminé un « traitement stylistiquement anormal (1)», entre démesures burlesques et dramatiques. Christian Jouhaud a pour sa part remarqué que les Mazarinades et leur rhétorique hyperbolique étaient autant de meurtres de papier (2), conjurant la nécessité du meurtre effectif. C’est dire que la littérature de la haine et de la violence repose sur un paradoxe fondateur : elle se crée par des effets de surenchère ou de « dé-création », autant de mouvements qui déforment ou défont les êtres. C’est ce que nous proposons de considérer à partir de l’œuvre en vers de Paul Scarron, auteur d’une des plus illustres Mazarinades à laquelle peu de travaux ont été consacrés, et presque aucun quant à sa dimension stylistique. Tout y est pourtant frappant et déstabilisant : la haine la plus virulente côtoie des bribes de comique, tandis que s’invente, par des procédés qu’il faut examiner, un langage apte à figurer une monstruosité de tous ordres. Avant même le Virgile travesti et le Roman comique, le burlesque scarronien trouve dans les désordres politiques une de ses premières formulations ambivalentes, qui permet de réévaluer la place que se donne le poète au sein des troubles collectifs, entre initiateur et exorciseur de la haine.
(1) Marie-Madeleine Fragonard, « La mort de Concini : imprécation et dérision », dans L’actualité et sa mise en écriture aux XVe, XVIe et XVIIe siècles, dir. Pierre Civil et Danielle Boillet, Paris, Presses Sorbonne nouvelle, 2005, p. 121-122.
(2) Christian Jouhaud, Mazarinades. La Fronde des mots, Paris, Aubier, 1985, p. 242.
Laura Bordes (Aix-Marseille U). « Mazarinades inédites : quelques libelles du complot provençal. »
Fracture politique, économique et sociale, la Fronde a aussi été le temps d’une forte dynamique d’écriture et de publication de libelles polémiques de formes textuelles très variées. Cette crise a effectivement puisé son énergie dans le verbe, et les mazarinades publiées ont été la scène de multiples actions politiques, selon les partis, contre Mazarin, contre la Cour, contre les Princes, mais aussi contre les provinces. Le sens même du mot mazarinades englobe bien des réalités d’écriture sur lesquelles il faudrait revenir, et l’enchevêtrement des textes dans les mailles d’une actualité brûlante et particulièrement fluctuante, et dans la volonté de formation de partis dans les provinces, contre les administrateurs placés par Mazarin, par exemple, opacifie les discours. En l’absence de toute signature et à considérer l’opacité des textes, la lecture des mazarinades implique une importante recontextualisation historico-politique, ainsi qu’une considération de l’arrière plan culturel qui y est systématiquement mobilisé. Quelques mazarinades provençales inédites et récemment découvertes permettent de revenir sur le complot monté contre le comte d’Alais et fomenté par le cardinal Mazarin qui lui avait lui-même accordé toute autorité sur la Provence afin de contrer le Parlement Semestre. Il s’agira de voir comment la polémique provençale mobilisée dans les libelles a évincé le comte d’Alais, tandis qu’il remportait par les armes des victoires progressives en Provence, et pourquoi la puissance pamphlétaire a destitué ce personnage dont Mazarin a fait sa marionnette jusqu’à la fin de la Fronde dans la région. Dans un jeu de stratégie, il fallait perdre un homme pour imposer le pouvoir royal à toute une région.